vendredi 21 novembre 2008

Poutine et la crise du crédit

Intervenant, jeudi 20 novembre, devant les délégués de son parti Russie unie, rassemblés dans un centre commercial de luxe à deux pas du Kremlin, le premier ministre, Vladimir Poutine, a assuré qu'il ferait tout pour enrayer la crise économique actuelle dont la Russie, estime-t-il, pourrait ressortir renforcée. Il a promis un plan de relance de 20 milliards de dollars, un soutien aux entreprises - dont celles du secteur militaro-industriel mal en point -, des réductions d'impôts ainsi que des aides aux catégories sociales les plus démunies.

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Plus énergique que jamais, à l'aise dans son rôle de "leader national", M. Poutine a consacré tout son discours à la crise, un thème que le président Dmitri Medvedev n'avait même pas mentionné dans son adresse à la nation le 5 novembre, alors qu'il est au centre des interrogations de la presse et de l'opinion de la rue. "Les gens se posent à juste titre la question de savoir ce qui va leur arriver", a rappelé le premier ministre, fréquemment interrompu par des applaudissements.

"Nous ferons tout pour protéger les dépôts bancaires de nos citoyens, assurer les intérêts légitimes de ceux qui ont investi leurs fonds propres dans la construction de logements, pour qu'il n'y ait plus de chocs comme ceux de 1991 et 1998", a-t-il promis. Reconnaissant pour la première fois que l'économie russe était touchée, M. Poutine a expliqué que la crise était "inévitable, en raison du caractère global" du système financier mondial.

Galvanisant son auditoire, il a mis en avant la nécessité d'"innover", d'encourager les "valeurs patriotiques" ainsi que la "défense agressive de nos intérêts économiques". En évoquant les crises précédentes (1991, 1998), restées dans la mémoire des Russes comme des traumatismes, le premier ministre a touché une corde sensible. Mais il s'est surtout voulu rassurant. Les importantes réserves de changes et les fonds accumulés quand le prix du pétrole était élevé vont permettre à la Russie de résister. Ces fonds vont empêcher "tout dérapage de l'inflation et toute évolution brutale du cours du rouble", a rappelé M. Poutine, sanglé dans un costume de bonne coupe.

La hausse du pouvoir d'achat de la population, un des acquis majeurs de la présidence de Vladimir Poutine (2000-2008), est en train de s'effriter. Jusqu'ici, la crise financière était à peu près invisible pour le public russe, confinée à la chute de la Bourse (75 % depuis mai) et à la baisse du rouble face au dollar. Désormais, la crise a gagné l'économie réelle. Ses effets se font d'ores et déjà sentir. Le nombre de Russes ayant constaté une baisse de salaire pour eux-mêmes ou dans leur entourage a presque triplé en un mois, relève un sondage du centre d'études de l'opinion Levada. Si la popularité de Vladimir Poutine reste intacte, la crise de confiance qui s'amorce fait craindre des mouvements de mécontentement parmi la population. Et pas seulement.

L'armée russe, engluée depuis dix-sept ans dans un vaste projet de réforme, va être l'objet d'une "modernisation". Le projet fait grincer des dents car il prévoit la mise à pied de 250 000 militaires, dont de nombreux officiers. Un mouvement diffus de mécontentement est apparu parmi les cadres en épaulettes. L'impopularité du ministre de la défense, Anatoli Serdioukov, chargé des réformes, est telle que le président Dmitri Medvedev n'a pas jugé bon d'être présent à la grande réunion annuelle des militaires, à la mi-novembre.

Pour calmer les esprits, Vladimir Poutine a rappelé dans son discours que des logements seraient construits pour les familles des officiers. Il a également promis 1,8 milliard de dollars supplémentaires à l'industrie de l'armement.

En revanche, il n'a fait aucune allusion à son éventuel retour au Kremlin. La veille, la Douma avait adopté en troisième lecture les amendements constitutionnels permettant l'allongement du mandat présidentiel de quatre à six ans.

Cette mesure, dit-on à Moscou, est censée préparer le retour de M. Poutine à la fonction suprême. "Le pouvoir veut s'assurer de garder le contrôle pendant la crise", explique la politologue Lilia Chevtsova, du centre Carnegie.

La stabilité du système Poutine tenait à une chose : les prix élevés du baril de pétrole. Avec un baril à moins de 45 dollars (pétrole russe Urals), l'économie russe est en péril. La ministre du développement économique, Elvira Nabioullina, l'a reconnu mercredi devant les députés de la Douma. L'économie russe avait deux ressorts, le prix du brut et les crédits faciles, contractés par les industriels à l'étranger. Ce modèle, a concédé la ministre, "n'était pas stable".

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Le ministre des finances, Alexeï Koudrine, a été plus pessimiste, expliquant que la Russie allait connaître une crise pire que celle de 1998. Lui aussi a assuré que les réserves accumulées ces dernières années en prévision des mauvais jours allaient permettre de voir venir.
Marie Jégo

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